Culture

Yves Benoist-Gironière, à la pointe de mes éperons, de mes crayons et de mes ciseaux

Yves Benoist-Gironière, à la pointe de mes éperons, de mes crayons et de mes ciseaux
Dessin d'Yves Benoist-Gironière. Son sens de l'observation guida toujours son trait © Collection Y. Benoist-Gironière

Les livres d’Yves Benoist-Gironière ont marqué des générations de passionnés de chevaux. Mais ce cavalier pédagogue fut aussi un brillant artiste avec ses pinceaux et ses spatules. Retour sur un parcours peu commun.

À cheval ma mie, Conquête du cheval, Épître aux amateurs d’obstacles…, lorsque j’ai découvert les ouvrages d’Yves Benoist-Gironière, je ne connaissais pas vraiment l’auteur mais d’emblée ses dessins m’ont séduit : vifs, aigus et expressifs ils décrivaient avec beaucoup de justesse les attitudes du cheval qu’on nous enseignait par ailleurs en manège. On nous engageait, à l’époque, à lire les grands maîtres : La Guérinière, L’Hotte ou Pluvinel ; le conseil était judicieux mais notre adolescence se reconnaissait mieux dans les lignes alertes et efficaces d’Yves Benoist-Gironière (1903-1983). Comme moi, plusieurs générations de cavaliers ont suivi l’équitation et progressé au rythme des livres de cet artiste-écrivain dont la vie et le talent furent totalement consacrés au cheval.

 Le père d’Yves Benoist-Gironière était médecin de campagne dans la Bretagne profonde entre Rennes et Nantes, tout près de Redon. Au début du XXe siècle, les visites aux malades se faisaient en voiture à cheval. Aussi, dans la famille, il y a toujours eu des chevaux à l’écurie. Quand, le progrès aidant, le docteur adopte pour son usage professionnel un véhicule automobile, il confie à son fils Yves le soin et le travail de son cheval (en l’occurrence une jument). Le jeune garçon prend cette charge au sérieux et sous la direction de son père devient un cavalier expérimenté et passionné. Il monte, dit-on, avec adresse et la communion entre lui et l’animal se révèle naturelle. Pour compléter la vie d’écurie et le travail en carrière, le jeune homme participe avec sa jument à toutes les chasses à courre de la région, ne manquant aucun hallali et faisant des retraites de vingt à trente kilomètres.

 Dès l’âge de 13 ans, à chacune de ses sorties, il consigne par écrit les circonstances des laisser-courre et les différents tableaux de chasse (bon cavalier, il est également un excellent fusil). Il ne manque pas d’agrémenter son cahier de chasse de croquis à la plume ou au crayon, représentant des chevaux et des chiens mais aussi toutes sortes de gibiers à plume et à poil. D’où lui vient ce don pour le dessin ? Nul ne le sait… Sans maître, sans cours aux Beaux-Arts ni dans d’autres académies, Yves Benoist-Gironière dessine en se fiant à son sens de l’observation et à la virtuosité de sa main. Dans cette Bretagne du début du XXe siècle, il vit ainsi, avec deux soeurs et quatre frères, une jeunesse insouciante et heureuse entre cheval et chasse, entre dessins et observation de la nature.

 Le jeune homme choisit la carrière militaire pour pouvoir être plus près des chevaux. Il entre à l’école de Saint-Cyr en 1924 et, à la sortie, choisit la cavalerie. Après une année d’application à Saumur, c’est avec le grade de lieutenant qu’il est affecté en Algérie au 6e régiment de spahis de Médéa. Là, il découvre la compétition en participant à de nombreux concours hippiques avec son cheval d’armes, un barbe du nom de Toscan d’à peine 1,50 mètre au garrot. Sous sa selle, il remporte victoire sur victoire. Modeste, Yves Benoist-Gironière confia plus tard : « C’est ce cheval qui m’a appris à sauter. »

 De retour en France, il est reconnu pour ses qualités de cavalier et le colonel Decarpentry (pas encore commandant de l’École de cavalerie) l’envoie à Saumur suivre le cours de perfectionnement équestre. Il s’y fait remarquer par le colonel Danloux, son modèle en équitation, et adopte immédiatement la fameuse position en avant qui porte son nom. Ce dernier lui propose de rejoindre le Cadre noir, mais, tout en mesurant l’honneur qui lui est fait, Yves Benoist-Gironière refuse, faisant passer sa passion pour l’obstacle avant le prestige de la tunique noire...Lire la suite...