Reportage

Lorenzo, l'art de la liberté

Lorenzo, l'art de la liberté
Lorenzo et sa maman qui continue à veiller sur lui © Robin Hasta Luego

Aucun dresseur de chevaux en liberté n'égale les performances équestres de l'enfant de la Camargue, que les Anglais ont baptisé “The Flying French Man”. Discret, secret, il retourne après chaque représentation se cacher dans ses terres où nous l'avons rencontré.

Assister à un spectacle de Lorenzo, c’est être émerveillé. L’émotion qui se dégage de ce ballet presque aérien de seize chevaux noirs et blancs, conduit par un seul homme, page vêtu de blanc, toujours souriant, qui les fait virevolter dans la grâce et le calme, vous transporte vers un paradis mythique où les chevaux deviendraient des créatures magiques sous le regard bienveillant d’un Dieu ailé.

 Pas un seul cavalier n’assiste à un spectacle de Lorenzo sans se demander comment il est possible d’aller aussi loin dans l’art équestre. Baptisé the Flying French Man par les Anglais, cet écuyer autodidacte défie avec ses seize chevaux lusitaniens les lois de la gravité et magnifie celles de l’éthologie. Il s’est produit dans toute l’Europe et bien au-delà, fascinant les têtes couronnées du Moyen-Orient, en Jordanie, au Qatar, à Oman, au Bahreïn. Grand amateur de chevaux lui-même, le roi du Maroc lui a réservé un accueil triomphal.

 Des voltes, des carrousels, mais aussi des sauts d’obstacles incroyablement précis, avec des quadriges de chevaux qui décrivent parfaitement leurs serpentines pour sauter à tour de rôle un parcours croisé, la chorégraphie mise au point par l’enfant prodige de la Camargue demande un savoir-faire, une connaissance de l’équitation, mais aussi un travail de patience et une maîtrise que personne au monde n’a encore réussi à égaler. Comment imaginer, dans des tableaux qui durent vingt minutes, que tant de chevaux puissent exécuter avec une précision parfaite des figures d’une telle complexité sans la moindre anicroche ?

“CELA RELÈVE DE LA MAGIE”

Pendant que ses chevaux exécutent au galop et en liberté les figures si précises et difficiles qu’il leur demande, Lorenzo est debout, en poste hongroise, sur deux d’entre eux. Et ainsi juché, non seulement il effectue des parcours d’obstacles impressionnants, mais, s’élançant d’un formidable bond de la croupe de ses chevaux, il saute lui-même une barre haut placée, en même temps que ses chevaux lancés au galop franchissent leur obstacle, pour retomber exactement à sa place. Comme si la pesanteur n’avait aucune prise sur lui. Comme si des ressorts avaient été miraculeusement insérés dans ses jambes d’acier. « Ce qu’il fait relève purement et simplement de la magie », résume Jean-Louis Gouraud, qui possède en la matière un savoir inégalable puisque cet éditeur et écrivain tout entier voué à l’amour des chevaux (voir Jours de Cheval n°10)peut être considéré comme l’équivalent littéraire de ce qu’est Lorenzo en matière équestre. Tous deux se sont d’ailleurs produits sur la Place Rouge du Kremlin avec le même succès, l’un arrivant d’un périple à cheval de 3 330 kilomètres en provenance de Paris, l’autre faisant danser ses chevaux blancs devant une foule en liesse.

 Pourtant, Lorenzo ne “frime” pas. Il ne se vante jamais, il ne se vend jamais. Ce grand maître de l’art équestre en liberté est un miracle qu’il faut admirer en train d’opérer, sans espérer qu’il vous assurera le service après-vente par un boniment calibré pour séduire. Discret, secret, il retourne après chaque série de représentations se cacher dans ses terres de Camargue qui l’ont vu grandir, et où il continue sans relâche à perfectionner son travail, oeuvre de Pénélope qu’il exécute la nuit ou loin de tous, dans des prés et des installations discrètes, loin des regards curieux qu’il abhorre quand il travaille...Lire la suite...