Confidences

Guillaume Macaire : "le cheval et les courses, une émotion esthétique"

Guillaume Macaire : "le cheval et les courses, une émotion esthétique"
Guillaume Macaire lors de son deuxième Grand Steeple-Chase en 2013 avec Bel la Vie et le jockey Bertrand Lestrade © APRH

Depuis ses origines, le monde des courses de chevaux, par son exigence même et la passion qu’il engendre, a toujours eu le secret de livrer des personnages truculents, au verbe haut et souvent juste : Guillaume Macaire est de ceux-là. Installé à La Palmyre, près de Royan (Charente-Maritime), cet entraîneur de chevaux d’obstacles est, à bien des égards, un homme de records : onze fois tête de liste de cette spécialité avec, pour l’année qui s’est achevée, 257 victoires. Dans son escarcelle, il affiche trois victoires dans le Grand Steeple-Chase de Paris (voir notre n° 3), dont les deux dernières éditions. Plus encore, par de multiples aspects, il tient du sportsman, sorti tout droit d’une gravure anglaise, considérant son métier (« de plus en plus difficile ») en esthète. Un esthétisme qui se prolonge jusque dans la présentation de ses chevaux sur un “rond” (toujours parfaitement toilettés, nattés, revêtus de “chemises” élégantes et de guêtres blanches). Un esthétisme qui se poursuit dans la littérature (il vient de publier son premier roman – À pied, à cheval, en voiture qui a été distribué par le journal Paris-Turf – et un deuxième est en préparation) et dans la peinture. De son parcours, de son métier, des chevaux et de ses passions, il s’en ouvre à Jours de Cheval. H. R.

Rien ne vous prédisposait au cheval, ni aux courses, et pourtant…

Je n’ai pas d’antécédents familiaux, en la matière, en effet. Mais il se trouve que je suis natif de la ville de Compiègne, où est sis l’hippodrome du Putois, au charme incomparable. J’y ai découvert les courses, enfant, à 9 ou 10 ans, au milieu des années 1960, en un flamboyant dimanche d’octobre, emmené par ma grand-tante. Ce fut, pour moi, un émerveillement, un éblouissement, comme une révélation, quelque chose de très fort, vraiment. Les chevaux qui s’élançaient au canter, dans le chatoiement des casaques, étaient, pour moi, des chevaux ailés! J’étais ébahi, littéralement happé par le spectacle. C’est un souvenir indélébile. Ce jour-là, j’eus la certitude qu’une vocation se révélait en moi et me pénétrait à tout jamais. C’était une évidence.

Comment avez-vous ensuite tracé votre chemin ?

Le chemin a été long et, parfois, semé d’embûches, mais je n’avais que le cheval en tête, conquis que j’avais été. Alors, je n’en ai pas démordu ! J’ai commencé par apprendre à monter, dans un club hippique. Et puis je suis allé monter, le matin, chez les entraîneurs locaux, lesquels n’étaient pas rares, à l’époque, tels Henri Depaëpe et Jean-Pierre Masselin, qui, soit dit en passant, est propriétaire chez moi, aujourd’hui. J’ai obtenu ma licence de gentleman-rider. Je ne me suis, toutefois, que peu souvent aligné en compétition, pour des résultats médiocres, étant associé, à ma décharge, à des sujets modestes. Pendant ce temps-là, mes parents s’inquiétaient un peu.

Pour autant, ils n’ont pas fait obstacle à votre vocation…

À dire vrai, ils n’ont pas eu le choix ! Ils auraient bien aimé que je fasse du droit, mais j’étais trop obsédé par le cheval pour m’en libérer. Sous le prétexte de parfaire mon anglais, je suis bientôt allé passer six mois outre-Manche, chez Guy Harwood, un entraîneur de plat en vue. Cela m’a permis de voir autre chose. À mon retour, j’ai fait mon service militaire. Après quoi, il a fallu prendre une décision. Dans un premier temps, j’ai “moyenné”, si vous m’autorisez l’expression, sollicitant un permis d’entraîner et m’installant à Compiègne, avec deux ou trois chevaux, tout en exerçant la profession de représentant. Je vendais des piles, d’une marque connue et porteuse. Mais ce n’était qu’un moyen, provisoire, de subsistance.

Votre première victoire d’entraîneur a-t-elle tardé à venir ?

Non, pas trop. C’était en plat, en 1979, sur l’hippodrome de Saint-Cloud, en toute fin de saison. Au Prix Fléchois et la distance à parcourir était de 2400 mètres. Le cheval s’appelait Le Béage. Je l’avais récupéré chez Henri Depaëpe.

En fait, vous êtes un autodidacte de l’entraînement…

La vérité est que j’ai beaucoup observé et mémorisé. Quittant Compiègne pour Maisons-Laffitte, j’ai eu l’occasion de côtoyer Jean-Paul Gallorini, alors au début de sa carrière d’entraîneur, mais déjà performant. Je m’étonnais, à l’époque, qu’il gagne le plus de courses, en obstacle, et qu’il soit sous le feu de la critique de ses confrères. Je me disais qu’il fallait s’inspirer de ceux qui réussissaient et je l’ai regardé faire, écouté. Inutile de vous dire que j’ai énormément appris. La méthode Gallorini, c’était celle héritée d’André Adèle, qui lui-même la tenait, en grande partie, de l’enseignement du baron Finot. Finot était une forme de génie. Quand vous pensez que son record de victoires dans une année n’a été battu, par les Papot [actuels propriétaires de tête dans la spécialité de l’obstacle, NDLR], que l’an dernier, ayant tenu plus d’un siècle ! Je travaille aujourd’hui, comme Finot hier, à peu de chose près. C’est mon maître à penser. Mais, dans ce métier, la théorie ne s’éclaire qu’à la lumière de la pratique : on ne peut s’intéresser à l’une que si l’on possède l’autre.

Pourquoi avoir quitté Maisons-Laffitte ?

Je n’y avais que des chevaux dont personne ne voulait, en petit nombre de surcroît. Ce n’était pas viable. Un soir, j’ai vu une annonce dans Paris-Turf. Un propriétaire, qui s’appelait Robert Vallat, cherchait un entraîneur dans le Sud-Ouest. L’écurie Vallat était assez réputée, régionalement, et j’ai sauté sur l’occasion. Je me suis ainsi installé à La Roche-Chalais (Dordogne), dans le centre d’entraînement privé de M. Vallat. Cela m’a ouvert d’autres horizons. J’ai eu aussi la chance d’avoir là-bas, dans mon équipe, deux “pointures” dans les rangs des jockeys, à savoir Christophe Pieux et Philippe Sourzac, qui allaient devenir, plus tard, des cravaches d’or...Lire la suite...