Reportage

Badminton, visite guidée

Badminton, visite guidée
Un des obstacles, le grand gué, en face du château © Lennon /Getty Images/AFP

200 000 personnes, une ambiance inimaginable, un parcours de cross légendaire, un “village” qui ne l’est pas moins …. Le concours complet de Badminton en Angleterre est proprement unique. Visite guidée.

 L’Angleterre, c’est une ambiance unique. Que l’on soit à Londres, Liverpool, Manchester ou Cambridge, dans la vieille Angleterre aristocratique ou plus ouvrière, à la campagne, dans les fins fonds des Midlands ou en Cornouailles, sur un hippodrome, au cricket… Le concours complet international de Badminton y est peut-être son expression la plus parfaite. Quelque part à l’ouest de Londres, ce concours rassemble 200 000 spectateurs, ce qui en fait l’événement sportif le plus important après les 500 000 miles d’Indianapolis. Et cela dure depuis… 1949 avec la même force et la même aura. Dans le monde du complet, Badminton est bel et bien une légende : tout cavalier y rêve d’y monter. Parce qu’il est le plus beau, le plus difficile, le plus exigeant. Les plus grands s’y sont illustrés : de Lucinda Green à Mark Todd, de Pippa Funnell à William Fox-Pitt.

 Dès que vous avez pris pied de l’autre côté de la Manche, tout bascule. De Londres ou de Bristol, sur cette route qui vous amène vers Badminton, vous avez droit au tryptique de la circulation anglaise, savoureux mélange de courtoisie, de discipline et de… mauvais temps. Voici enfin Badminton, ravissant petit village aux pierres ocrées, aux maisons soigneusement posées derrière de petits jardins. Toutes sont chiffrées sur leur fronton aux armes des ducs de Beaufort, propriétaires des lieux depuis le XVIIe siècle. Juste avant l’entrée du village, nous longeons l’immense parking des caravanes, car beaucoup s’installent pour la durée du concours (quand le camion de chevaux ne sert pas de caravane !). Tout y est prévu (même le milkman !), l’ambiance est très “festive” selon l’horrible jargon à la mode ; les fêtes y sont mémorables surtout si les acteurs ont un peu forcé sur la boisson…

 Nous nous garons dans une immense prairie où sont alignées des centaines et des centaines de voitures qui sont arrivées par deux seules petites routes, larges comme nos voies communales, et à l’anglaise, c’est-à-dire avec une quasi-absence de bas-côtés. Autant pour nous, l’Anglais peut paraître avoir quelquefois un esprit “spécial” dans sa façon de vivre, autant il est logique et pragmatique dans sa manière d’organiser. À Badminton, il n’y a pas de problème d’accès, et pourtant il y a 200 000 personnes le jour du cross… Nous voilà donc dans ce “temple” où les plus grands cavaliers de complet ont connu leurs heures de gloire ; l’Angleterre respire le complet, où, rappelons-le, un même couple cavalier-cheval doit accomplir successivement, sur trois jours, une reprise de dressage, un parcours de cross, semé d’obstacles fixes, et enfin un parcours de CSO.

 Aujourd’hui, c’est l’épreuve de dressage. Elle se déroule sur la grande carrière qui sert aussi pour le saut d’obstacles et de départ et d’arrivée pour l’épreuve de cross. Ce grand espace gazonné, entouré de trois tribunes est assez impressionnant pour les chevaux. Le public nombreux, discipliné et connaisseur ne se manifeste jamais pendant les reprises, même s’il sait pertinemment que le dressage est essentiel pour espérer un classement, et même si la difficulté du cross a, à d’innombrables reprises, bouleversé l’ordre établi… Ce jour de dressage est idéal pour reconnaître en toute tranquillité ce fameux cross, long de 6 500 mètres, parsemé d’une trentaine de difficultés. Il est indispensable de prévoir imperméables, bottes et parapluie.

 D’emblée, on est frappé par la massivité des obstacles. On comprend vite qu’il faut des chevaux avec un vrai courage et des cavaliers déterminés : il n’y a pas de place à l’hésitation. Les obstacles bien construits (en matériaux naturels à l’exception de ceux du sponsor Mitsubishi) sont vraiment imposants. Les cotes (chaque niveau d’épreuves a des cotes d’obstacles précises ; Badminton étant un 4*, c’est-à-dire le plus relevé, les cotes sont au maximum) sont évidemment respectées mais le chef de piste joue en permanence sur la configuration du terrain. Le Vicarage Vee, un vertical en oblique sur un fossé profond, en est la parfaite illustration. Le sol peut parfois être collant, même si la piste, couverte d’une herbe drue comme la barbe d’un marin breton, est entretenue toute l’année. Il faut tout le talent des grands champions pour doser l’effort de leur cheval en fonction du terrain et arriver sur les dernières difficultés avec encore de la ressource. Rappelons que jusqu’en 2006 (comme d’ailleurs toutes les grandes épreuves internationales), l’épreuve dite de fond comportait un premier parcours routier à travers la campagne, un steeple-chase sur une piste qui avait la particularité ici d’être le long de celle d’atterrissage pour ceux qui viennent avec leurs propres avions (et il y en a !), un second parcours routier avant de partir sur le cross. Autant dire que l’effort était considérable et n’ajoutait pas grand-chose à la valeur de la performance. La preuve en est que les meilleurs sur cette formule sont restés les meilleurs après le format light (si l’on peut dire !), c’est-à-dire avec le seul cross. Le seul regret que l’on pourrait avoir ici réside dans le fait que la fin du second parcours routier passait par la porte d’entrée de la propriété, sorte d’Arc de triomphe sur une allée en herbe allant en pente douce jusqu’au château. Reconnaissons qu’avec la perspective du cross qui attendait les concurrents, l’humeur n’était pas à la poésie !...Lire la suite...